• concert du 2 avril : mélodies françaises

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    Paul Claudel et la musiqueSœur du lied, la mélodie française en partage les thèmes de prédilection et les moyens d’expression tout en relevant d’un imaginaire différent. Elle privilégie l’épure, la concision – Honegger ose vingt-trois mesures pour sa « chanson de la poire » – et la peinture d’atmosphère – ici perceptible à la moiteur des Serres chaudes ou aux irisations de la « chanson des sirènes ». Elle oscille entre vagabondage dans les arcanes de la langue française et rêverie sur les teintes du désenchantement : alors que « fauve las » se prélasse sous un « ciel morne et sans couleur » (Chausson), et « que lentement passent les heures », les fleurs poussent ici « dans le jardin / où dort la mélancolie » (Honegger), tandis que les citadins attendent dans la solitude « des rues froides » et des « chambres noires » (Poulenc).
    Pour autant, l’évanescence qui émane de ces mélodies ne se contente pas de dessiner des formes abstraites et métaphysiques. C’est que la mélodie ose la satire, fait défiler les « saltimbanques » (Honegger) et s’encanaille dans des tavernes aussi vastes que le monde : deux des cycles d’Honegger et de Ravel ne se soldent-ils pas par des chansons à boire ? « Il faut boire / et c’est tout », affirme la Sirène ! « Je bois / à la joie », renchérit Don Quichotte ! Célébration de l’ineffable, la mélodie se fait donc également ode à la matière, comme si le détour par le rêve permettait au mieux d’approcher la palpitation organique des « grandes végétations » (Chausson), l’« odeur du temps brin de bruyère » (Honegger) ou le « brouillard d’automne » des campagnes désertes (Honegger). En suspension entre l’idée et la chair, chaque mélodie est une terre dont la fertilité poétique tient à l’« eau lente » (Chausson) ou aux « eaux vives », au « flot transparent » (Honegger) ou à la « nappe d’eau » (Poulenc) qui l’irriguent tour à tour.
    C’est peut-être cette fascination pour tous les corps aquatiques qui explique la permanence du bleu d’une pièce à l’autre. À l’ « ennui bleu » de Chausson répondent « le ciel bleu » d’Honegger ou la
    « madone au bleu mantel » de Ravel. Pour un peu, chaque compositeur de ce récital pourrait reprendre à son propre compte ces paroles de Maeterlinck, dont Chausson mit en musique tant des vers : « Je ne suis pas sorti des limbes, et je tâtonne encore, comme un enfant, aux carrefours bleus de la naissance » (Confession de poète, 1890).
    Et si nous tâtonnions avec lui, avec eux, dans ce chemin embué, entre onirisme et matière, auquel nous convient aujourd’hui ces mélodies ?

    Florent Siaud
    (coordination dramaturgique et matérielle,
    relecture et mise en page )

    Ecole Normale Supérieure de Lyon


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