• Conférence du mercredi 17 mars : autour de la musique chez Claudel

    Ces quelques lignes voudraient rendre compte, de façon synthétique, de la conférence autour de la musique chez Paul Claudel donnée par Anne Pellois et Yves Balmer ce mercredi.

    Comme rappelé par Yves Balmer en introduction, la question du rapport du texte et de la musique, du son et du sens a parcouru les siècles. Elle prend une importance considérable au début du vingtième siècle et notamment dans l’œuvre théâtrale de Claudel.

    Si beaucoup de musiciens et d’auteurs s’étaient précédemment interrogés sur la manière de relier les mots et la musique, il s’agit pour Claudel d’une démarche plus profonde que la plupart des approches précédentes. Anne Pellois a souligné que le poète s’engageait dans une forme de retour au théâtre à l’antique. Dans cette fusion des arts, la musique doit devenir, selon Claudel, un élément dramaturgique dans son texte. La présence de musique au sein de la représentation théâtrale ne correspond pas à un élément descriptif ou à la volonté d’illustrer le caractère d’un personnage. Elle n’est pas là pour ponctuer le texte. Elle l’augmente, l’auréole, sans l’étouffer.

    Claudel utilise la musique pour sa fonction émotive, sa capacité à faire survenir l’émotion de façon plus directe que le mot.

    C’est lorsqu’il aborde la mise en scène de ses pièces que la musique lui apparaît comme absolument nécessaire. D’après lui, la déclamation doit être envisagée comme un acte musical, et de manière plus générale, tout le jeu d’acteur doit s’inspirer du mouvement, du rythme propre à la musique.

    Si Claudel sera en contact avec de nombreux musiciens (Honegger, Germaine Tailleferre…), c’est avant tout avec Darius Milhaud qu’il collaborera.

    Yves Balmer a mis en avant l’influence positive que les recherches de Claudel ont eu sur le compositeur. Ce travail en commun entre les deux hommes qui s’accordent une grande confiance sera très riche pour le musicien. Il s’approprie pleinement la réflexion entreprise par le dramaturge sur la déclamation du texte. Pour la musique des Choéphores , le premier travail de Milhaud fut de rythmer le texte. C’est donc sur une nouvelle forme de récitatif que le compositeur va travailler. La parole rythmée deviendra le moyen terme entre la parole et la musique. Le retour à l’Antique se ressent aussi dans l’écriture des chœurs, qui par son expression rythmique très forte donne un aspect incantatoire à ces épisodes.

     La fusion du théâtre et de la musique prend donc un aspect très novateur chez Claudel : c’est pour s’enrichir mutuellement que ces deux formes d’expression doivent fonctionner ensemble.


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  • Commentaires

    1
    Yves Balmer
    Samedi 27 Mars 2010 à 01:29
    Merci de ce compte-rendu! 
    Quelques citations extraites de la correspondance de Paul Claudel :

    « Vous seriez bien aimable de lire ma traduction de L’Agamemnon et de me dire ce que vous pensez du problème de l’adaptation de la musique aux chœurs, sans qu’elle nuise à la déclamation et à l’accent dramatique. Il faudrait quelque chose comme un ton, celui dont on récite l’épître ou l’évangile, qui pourrait devenir sans brisure quelque chose de vraiment chanté. C’est surtout pour la fin de l’acte (dialogue de Clytemnestre et du chœur) que la question se poserait. Si vous trouviez la solution, ce serait de la plus haute importance pour toute L’Orestie et pour le drame satyrique dont je m’occupe en ce moment ». (lettre de Paul Claudel à Darius Milhaud, 22 mai 1913).

    « Je sens (comme un artiste sent en dehors de tout raisonnement), que le dialogue de Clytemnestre et du chœur ne peut être simplement déclamé, sans que pour cela il devienne proprement de la musique. Ce n’est pas sans raison qu’Eschyle à ce moment a complètement changé le rythme et a fait parler Clytemnestre en vers lyriques. Clytemnestre à ce moment est animé d’une joie sauvage, presque diabolique, elle est comme possédée d’un esprit de cannibale (toujours à la manière grecque et sans perdre la mesure). Il ne faut pas que sa parole chante, mais qu’elle danse, il en faudrait accentuer le rythme avec une rudesse à laquelle la déclamation ordinaire ne suffirait pas. Il faut une « musique » réduite purement à l’élément rythmique, par ex. à des coups de tambours et autres instruments de percussion ou des cris courts de trombones*. Ah, ce n’est pas facile à expliquer ! et cependant je sens qu’à ce moment la parole pure ne suffit pas, tandis que comme à vous elle me suffit parfaitement pour les autres parties de L’Agamemnon. »

    * Le rôle des assistants dans les fêtes arabes qui avec des cris, des coups de tambour, des battements de main, soutiennent et font danser la Possédée. Cette fin de L’Agamemnon est vraiment diabolique ». (lettre de Paul Claudel à Darius Milhaud, 27 mai 1913).

     
    2
    Yves Balmer
    Samedi 27 Mars 2010 à 01:42
    Pour aller plus loin, en écoutant : 

    http://www.youtube.com/watch?v=GZY2NOz7lww

    http://www.youtube.com/watch?v=b2WL46CQIFA&feature=related

    Un reportage sur la préparation d'un concert des Choéphores par l'Orchestre national de Lille : 

    Casadesus : 
    http://www.youtube.com/watch?v=YJVE4IbpumQ

    Tubeuf
    http://www.youtube.com/watch?v=NiPX1VjrlFM


     
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